Le soir, au moment de se retirer dans sa chambre, il dit à Blanchette :
« Demain, je n’aurai pas le courage de te voir partir ; il vaut mieux nous faire nos adieux maintenant. »
Il la serra dans ses bras. Blanchette sentit sa poitrine frapper la sienne de sanglots étouffés. Il ne dit rien ; il craignait, s’il parlait, de fondre en larmes. Il monta lentement l’escalier, sans se retourner une fois. Il était déjà dans sa chambre, que Blanchette était encore à la même place, au bas de l’escalier. Le silence de Démon lui faisait peur, sans qu’elle sût pourquoi ; elle eut la sensation d’un abîme immense et noir creusé tout à coup entre elle et lui. Était-ce l’effet ordinaire des séparations, quand on s’aime ? c’est probable, pensa-t-elle. Mais alors, c’était quelque chose d’horrible, cela ressemblait à la mort ; c’était pis que la mort, car elle au moins elle vous délivre de la souffrance.
Blanchette s’en alla, chancelante, passant plusieurs fois ses mains sur ses yeux, comme fait quelqu’un qui sort d’un rêve affreux et qui a de la peine à croire que ce n’était qu’un rêve. Elle passa une mauvaise nuit ; quand elle entendait marcher Démon, elle soupirait en se disant : « Il n’a plus de repos. » Quand elle ne l’entendait pas, il lui semblait qu’elle était déjà partie et qu’elle en était séparée pour toujours. Par moments, elle s’assoupissait ; puis, elle se réveillait en sursaut, et se cherchait entre les spectres encore visibles d’un songe horrible et les angoisses renaissantes de la réalité. Alors, elle s’asseyait dans son lit et disait en pleurant :
« C’est trop souffrir ; la mort vaut mieux qu’une vie pareille ; j’aimerais mieux être avec Nénaine. »
Enfin, le jour parut. Blanchette se leva à six heures, elle devait partir à huit. Elle se plongea comme d’habitude dans sa baignoire ; la fraîcheur de l’eau la ranima, lui fit oublier la fatigue de l’insomnie. Elle passa une gabrielle, et continua ses préparatifs commencés la veille.
Levé avant Blanchette, Démon écrivait à Pélasge. Quand il eut fini, il entra dans le laboratoire d’où il rapporta un