Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/48

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« Yé chapé ? reprit Mamrie en secouant la tête, to menti ! mo parié to rende yé la liberté.

« Eben ! cé vrai, avoua Démon, cé vou faute ; ça vou di moin su fumel là é so piti té fé moin la peine. »

Les yeux de Mamrie se remplirent de larmes ; elle tendit les bras à Démon, en lui montrant toutes ses dents et en disant :

« Vini icite, céléra ! vini mo mangé toi tou cru. »

Elle le dévora de caresses, et se tournant vers la cuisinière et quelques femmes de service :

« Ça cé mo tresor, dit-elle, ça cé kichoge ki vo plice pacé tou dilor dan moune.

« Vou rézon, Mamrie, remarqua la cuisinière, can michié Démon va gran, la fé ain bon maite pou nouzotte.

« Cé bon tou ça, dit Mamrie à Démon, mé to faim, vini mangé. »

Elle le fit dîner. Il mangea peu ; son sacrifice lui avait coûté un certain effort, et il avait le cœur encore un peu gros. Après qu’il eut fini, Mamrie le fit monter dans sa chambre ; elle l’aida à faire sa toilette, et quand elle eut donné le dernier coup de peigne à ses cheveux, elle dit en l’admirant :

« Asteur to propre é bel comme ain rayon soleil ; couri en bas coté to nouvo maite d’école. »

Le dessert touchait à sa fin, quand Démon entra dans la salle à manger. Saint-Ybars ne voulant pas le gronder, au début de ses rapports avec son nouveau précepteur, donna l’ordre à un domestique de lui servir son dîner.

« Ce n’est pas la peine, dit Démon, Mamrie m’a fait manger. »

On lui offrit du dessert ; il refusa, et alla s’asseoir à côté de Pélasge, ce qui étonna toutes les personnes présenters ; car, comme l’avait fait observer Chant-d’Oisel, son habitude n’était pas de rester à table quand sa faim était satisfaite. Mlle Pulchérie en fut piquée ; M. Héhé rougit.

Dans le silence et le repos, la figure de Démon prit une expression de mélancolie pensive qui attira l’attention de Pélasge : il se demanda si c’était un simple effet de tempé-