Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE VII

Man Sophie et ses deux petites filles


On se leva de table pour prendre le café sur la galerie du premier étage, où passait une fraîche brise venant du fleuve, et pour fumer d’excellents cigares de la Havane.

Pélasge n’aimait pas à rester en repos après ses repas ; il proposa à Démon de faire ensemble une promenade.

Après avoir visité le jardin, dont l’étendue et la beauté rappelèrent au jeune professeur les villas princières de l’Italie, ils se dirigèrent vers la savane. Les dernières lueurs du soleil couchant empourpraient la campagne ; les cannes à sucre déjà parvenues à la hauteur du genou, frissonnaient au souffle croissant de la brise et répercutaient, dans tous les sens, les lueurs mourantes du jour. Les nègres revenaient du travail, les uns à pied et par groupes, les autres dans des chariots attelés de quatre mulets. Ils étaient contents ; la semaine finissait, et ils jouissaient en imagination de leurs plaisirs du dimanche. Les chants des femmes, les éclats de rire des hommes, arrivèrent adoucis par la distance jusqu’aux oreilles de Pélasge et de Démon. Ils venaient d’entrer dans un sentier qui traversait un champ de cannes, lorsqu’une forme humaine s’estompa sur le fond rouge de l’horizon ; comme elle grandissait et se dessinait plus nettement à mesure qu’elle avançait et que les deux promeneurs allaient à sa rencontre, Pélasge reconnut bientôt que c’était une négresse qui portait de chaque côté, entre son bras ployé et sa poitrine, quelque chose ressemblant à un petit enfant.