Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/7

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Chapitre I

En ce temps-là…


Le 5 mai 1851, le trois-mâts Polonia, arrivant de Cadix, entrait dans notre port, et bientôt jetait l’ancre en face de la rue Marigny. Parmi les passagers qui en descendirent se trouvait un jeune homme, dont la physionomie paraissait plutôt française qu’espagnole. En effet, il était français. Bien qu’il eût à peine vingt-trois ans, il avait déjà beaucoup souffert pour ses opinions politiques. Blessé et fait prisonnier sur les barricades, à Paris, pendant les journées de juin 1848, il avait été déporté en Afrique. Après avoir résisté, seize mois, aux épreuves de la captivité et au climat meurtrier de Lambessa, il était parvenu à s’évader, et il s’était embarqué à Oran sur un navire en partance pour Cadix. En mettant le pied sur la terre d’Espagne, il avait rencontré un ancien réfugié dont il avait fait la connaissance à Paris, en 1847, dans les salons de Le Dru Rollin. L’espagnol l’avait accueilli avec cordialité, et, s’autorisant de son âge et de son amitié, lui avait donné un conseil. « Croyez-moi, lui avait-il dit, ne cherchez pas à rentrer dans votre patrie clandestinement. La France appartient désormais au prince Louis-Napoléon ; il en fera tout ce qu’il voudra, jusqu’à nouvel ordre, combien de temps durera-t-il ?… Qui sait ? imitateur superstitieux et servile de son oncle, il le copiera jusque