dans ses fautes ; il s’obstinera, au mépris du sens commun, à se fier à ce que, dans sa famille, on a l’habitude d’appeler la bonne étoile des Napoléons. Quand ce feu follet de l’orgueil l’aura entraîné, lui aussi, à sa perte, la France aura pris congé de sa dernière illusion monarchique ; alors, commenceront des temps meilleurs pour vos idées républicaines. En attendant, allez aux États-Unis ; là vous verrez, dans toute l’étendue de son application, le principe gouvernemental que vous croyez le plus favorable à la liberté de l’homme et à son bonheur. Vous observerez, vous étudierez, vous réfléchirez. Un jour viendra, peut-être plus tôt que je ne crois, où vous reparaîtrez parmi vos compatriotes avec l’autorité que donne l’expérience. Tenez, j’ai justement un navire qui va mettre à la voile pour la Nouvelle-Orléans ; je vous y offre une cabine. Vous trouverez facilement à vous caser en Louisiane, comme professeur. J’ai quelques amis à la Nouvelle-Orléans, entre autres un ancien avocat attaché à la rédaction d’un des principaux journaux de cette ville ; je vous donnerai une lettre de recommandation pour lui. Ne perdons pas de temps ; écrivez quelques mots à votre famille ; ensuite, nous nous occuperons de votre malle de voyage. »
Le jeune proscrit avait suivi le conseil de son ami ; debout sur la dunette du Polonia, au moment où le soleil descendait sous l’horizon, il avait contemplé longtemps, non sans émotion, et cette terre d’Europe dont il s’éloignait et la mer qui l’emportait vers une destinée incertaine, peut-être malheureuse. À voir l’air calme et assuré avec lequel, en débarquant, il marchait sur la Levée, on n’eût pas dit qu’il fût en pays étranger. Il avait étudié le plan de la ville, il savait bien son chemin pour se rendre aux bureaux de l’Abeille. Il prit la rue de l’Esplanade, et se disposait à tourner à gauche dans la rue de Chartres, lorsque son attention se fixa sur une maison basse dont toutes les portes et fenêtres étaient grandes ouvertes. Les deux chambres de devant, donnant sur l’Esplanade, n’avaient pour tous meubles que des bancs alignés le long des murs et occupés, ceux d’une