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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/74

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les femmes, assises en rond devant les cabanes causaient à voix basse. Elles virent une forme humaine sortir avec précaution d’un champ de cannes à sucre, et s’approcher en se faufilant dans l’herbe comme un serpent. C’était Titia. Elles la conduisirent dans une cabane, où elles lui ôtèrent ses habits pour lui faire revêtir ceux de la métisse. Elles détirent ses cheveux et la coiffèrent à la sauvage. Quand le moment de se mettre en route fut venu, on lui fit prendre la hotte de la métisse. Les hommes quittèrent le camp les premiers ; les femmes les suivirent à une demi-portée de fusil, marchant à la file, chacune courbée sous son lourd fardeau retenu par une courroie appuyée au front. Titia était placée au milieu. L’unique enfant de la tribu était porté par la femme qui fermait la marche : à califourchon sur le cou de sa mère, il dormait, sa petite tête appuyée sur la sienne. Le balancement de la marche le berçait dans son sommeil ; sa jolie figure cuivrée miroitait à la lumière de la lune.

La caravane se dirigea vers le fleuve, sans qu’une parole interrompît le silence de la nuit. Arrivée au chemin qui longe la levée, elle tourna à gauche, commençant dès lors à côtoyer le Père des Eaux, dont elle se proposait de suivre les sinuosités jusqu’à la Nouvelle-Orléans. De là, après une courte halte, elle devait se rendre au lac Pontchartrain, pour s’embarquer sur une des goilettes qui font le voyage de Bonfouca. Reprenant, au débarquement, son voyage à pied, elle n’avait plus qu’une lieue à faire pour rencontrer la tribu amie des Chactas qui l’attendait au bayou Lacombe.