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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/73

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« Ah ! métisse là mouri, murmura Lagniape.

« Oui, ajouta la taïque en regardant le sol, li en ba là.

« Ouzot enterré li dijà ?

« Oui.

« Alor ouzot apé parti ?

« Oui.

« Can ? »

La sauvagesse promena son regard défiant tout autour d’elle ; sûre que personne ne la voyait, elle leva les yeux vers le zénith, et dit :

« Can lune là.

« Cé bon. »

Lagnaipe glissa dans la main de l’Indienne un petit sac rempli de picaillons.

Comme on le devine aisément, cet entretien était la suite de plusieurs autres.

La taïque se leva, remit son panier vide dans sa hotte, chargea celle-ci sur son dos, et dit pour tout adieu ce seul mot :

« Bonjou.

« Oui, bonjour, murmura Lagniape se parlant à elle-même, bonjour jusqu’au printemps prochain. »

À peine la sauvagesse s’était-elle éloignée, que Titia traversait la cour. En passant près de Lagniape, elle laissa tomber son mouchoir, et se baissa pour le ramasser.

« C’est pour cette nuit, chuchota Lagniape.

« Ah !

« Oui, à une heure du matin.

« C’est bien. »

Titia se redressa et poursuivit son chemin.

Chaque année, au mois de juin, les Indiens de l’habitation Saint-Ybars émigraient pour revenir seulement en automne. Cette fois, ils avaient retardé leur départ de quelques jours, à cause de la métisse qui se mourait. Elle morte, ils avaient résolu de partir en profitant de la fraîcheur de la nuit. Dès le coucher du soleil, les préparatifs de voyage étaient terminés, les hottes remplies jusqu’au bord et bien ficelées. À minuit les hommes dormaient encore ;