Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/85

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perdre dans la cyprière. Une barrière courait de chaque côté, cachée presque entièrement par des chèvrefeuilles et des jasmins. Entre le chemin et la barrière il y avait un fossé, de chaque côté. Comme il n’avait pas plu depuis longtemps, les fossés étaient à sec.

Pélasge approchait de la maison ; son intention était de passer par la cour des magnolias, comme avait fait Nogolka. Avant de rentrer, il voulut, une dernière fois, consulter le temps ; il s’arrêta au bord du fossé à gauche, et regarda le ciel. Il remarqua que les nuages chassés vers le nord, depuis la veille, revenaient vers le sud, et que ceux qui étaient les plus élevés commençaient à tourbillonner. À ce dernier signe, il jugea qu’un foyer de tempête se formait au-dessus de l’habitation. Son attention fut ramenée sur la terre, par le bruit du feuillage qu’on écartait. Était-ce quelque nègre marron cherchant à voler ? était-ce un animal sauvage ? Dans le doute, il enjamba le fossé, s’accroupit au pied de la barrière pour mieux se cacher, et arma son fusil. Le buste d’une femme sortit lentement du feuillage ; l’inconnue regarda et écouta. Ne voyant personne, n’entendant rien, elle descendit dans le fossé et traversa le chemin, ployée comme une personne qui porte un objet qu’elle veut cacher. Elle se fraya un passage dans la haie opposée, et disparut.

« Décidément, pensa Pélasge, c’est la nuit aux aventures. »

Il voulut, sans perdre de temps, suivre la rôdeuse nocturne ; il traversa la haie au même endroit qu’elle : mais il eut beau regarder de tous côtés, il ne vit personne.

« Si elle est allée du côté de la maison, se dit-il, je m’en rapporte à Cerbère ; si elle s’est dirigée vers le corps de logis des domestiques, ou vers le camp, c’est moi qu’elle rencontrera. »

Pendant qu’il marchait vers le fond de la cour, l’inconnue se dirigeait dans le sens opposé. Elle n’avait plus que quelques pas à faire pour arriver à la maison ; elle s’arrêta : dans l’ombre de l’escalier qui conduisait de la galerie d’en bas à celle d’en haut, deux lumières parurent ; elles brillaient