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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/90

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côté triste et défiant qui regarda l’enfant ; mais, en moins d’une minute, son visage tourna.

« Est-elle rosée ! dit-il, est-elle blanchette ! Oui, Mademoiselle, vous êtes bien blanchette ; je prédis que vous ferez bien des conquêtes avec ce teint de lys.

« Grand-père, dit Chant-d’Oisel, vous avez trouvé son vrai nom ; on l’appellera Blanchette.

« Va pour Blanchette, » répondit Vieumaite.

Il y avait quatre heures que Mademoiselle Blanchette n’avait tété ; elle se mit tout à coup à faire une mine triste et larmoyante. Une des brus de Saint-Ybars allaitait, en ce moment même, un gros garçon ; elle le donna à Mamrie, et mit Blanchette à sa place. Blanchette suça tout son soûl. Quand elle eut fini, elle sourit si gracieusement que plusieurs voix dirent en même temps :

« Est-elle gentille ! »

La jeune femme qui venait de lui donner le sein, regarda son mari, et dit :

« J’ai envie de l’adopter.

« Comme tu voudras, chère amie ; adoptons-la.

« Je serai sa marraine, s’écria Chant-d’Oisel en battant de mains.

« Et moi son parrain, » dit Démon.

Il n’y avait plus qu’une personne dans la maison qui ne sût pas ce qui se passait, c’était Pélasge ; il dormait. La cloche du déjeuner le réveilla. Il eut d’abord un peu de peine à se reconnaître, en se voyant tout habillé ; le sommeil l’avait surpris dans son fauteuil. N’aimant pas à se faire attendre, il se hâta de plonger sa figure dans une cuvette d’eau fraîche et d’arranger ses cheveux. Il descendit par la galerie de devant. En bas il rencontra Vieumaite, que Mme Saint-Ybars essayait de retenir à déjeuner ; une affaire importante appelait le vieillard sur une habitation distante de trois lieues ; il s’excusa de ne pouvoir rester : on l’attendait, il avait donné sa parole. Il emportait sa valise et faisait une absence de trois jours. Mme Saint-Ybars en eut du regret ; elle avait remarqué que son mari avait l’air plus sombre et plus maussade que jamais ;