cour ; là, étendant ses bras inégaux vers Mamrie, elle crie :
« Au secours, Mamrie ! yapé tué vou piti.
« Tué mo piti ! s’écrie Mamrie, ki céléra qui osé fé ça ? »
Pour tout vêtement, Mamrie, en ce moment, a sa chemise et un jupon ; elle est nu-pieds. Elle court au nègre qui coupe du bois, prend sa hache, et se précipite dans la salle à manger.
« Ki apé tué mo piti ? » dit-elle en levant sa hache.
Puis, elle parcourut la pièce d’un regard rapide : à peine a-t-elle vu Démon secoué par son père contre une porte, qu’elle bondit vers Saint-Ybars :
« Largué mo piti, dit-elle ; si vou pa largué li, aussi vrai que yé pélé moin Mamrie, ma fende vou la tête ! »
Saint-Ybars lui jette un regard de mépris, et se retourne pour frapper son fils. Démon veut soustraire à un nouveau coup son visage déjà meurtri ; son front rencontre un des battants de la porte violemment poussé par le vent ; un fragment de vitre le blesse entre les sourcils ; le sang coule.
Mme Saint-Ybars a poussé un cri ; elle se jette au-devant de Mamrie. Mais Mamrie la voit venir ; elle comprend qu’elle n’aura pas le temps d’attaquer Saint-Ybars corps à corps. Elle change subitement de tactique, recule obliquement de trois pas, élargit sa base de sustentation, et lance sa hache à la tête de Saint-Ybars. Un cri d’épouvante sort de toutes les poitrines ; M. de Lauzun seul n’a pas fait entendre sa voix ; il est pâle comme un moribond, il est sur le point de perdre connaissance. Le tranchant de la hache a passé comme un éclair devant les yeux de Saint-Ybars, et est allé s’enfoncer dans un magnolia de la cour.
Stupéfait, la bouche béante, Saint-Ybars regarde Mamrie ; chacun se demande ce qu’il va faire. Son bras gauche est tendu comme une barre de fer ; ses doigts crispés tiennent toujours la chemise de Démon. Mme Saint-Ybars, avec une grande présence d’esprit, profite de ce temps d’arrêt. Comme beaucoup de mères de famille, elle porte toujours