Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/112

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La femme du libraire Momoro, vil orateur des Cordeliers, la chanteuse Maillard, l’actrice Candeille, voilà les Déesses de la Raison portées en triomphe, presque adorées, et qui se laissaient faire.

On avait masqué le devant des chapelles collatérales de la nef, avec de grandes tapisseries, et non sans projet. Du sein de ces réduits obscurs, partaient des ris aigus qui attiraient des aventuriers ; en soulevant un coin de tapisserie, ils laissaient entrevoir aux passants des scènes, pour le moins aussi pittoresques que celles de la tentation de Saint Antoine.

La même fête, dans l’église de Saint-Eustache, offrit le spectacle d’un grand cabaret. L’intérieur du chœur représentait un paysage décoré de chaumières et de bouquets d’arbres. On distinguait dans le lointain des bosquets mystérieux ; il y avait effectivement de petits sentiers pratiqués dans les escarpements figurés de grandes masses de rochers. Les précipices de sapin n’étaient point inaccessibles ; des troupeaux de filles qui suivaient effrontément à la file, couraient après les hommes, et l’on entendait le continuel craquement des planches sous leurs pas précipités.

Autour du chœur, l’on avait dressé des tables surchargées de bouteilles, de saucissons, d’andouilles, de pâtés et d’autres viandes. Sur les autels des chapelles latérales, on sacrifiait tout à la fois à la luxure, à la gourmandise ; et l’on vit sur les pierres consacrées, les traces hideuses de l’intempérance.

Les convives affluaient par toutes les portes ; quiconque se présentait prenait part au festin ; des enfants de sept à huit ans, tant filles que garçons, mettaient la main au plat en signe de liberté, ils buvaient à même des bouteilles ; et leur prompte ivresse, excitait le rire des êtres vils qui la partageaient. Oh ! combien est déplorable l’aveugle impétuosité du peuple qui obéit si stupidement à la bride des conducteurs de factions !

À Saint-Gervais, la cérémonie se fit sans banquet ; les femmes du marché Saint-Jean y entraient avec leurs éventaires ; toute l’église sentait le hareng. Des marchands de