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signe de la liberté, mais non de sa couleur rouge, emblème de sang. Le bonnet fut hissé dans tous les spectacles, il couvrait toutes les têtes dans les comités révolutionnaires. Ce fut sous ce bonnet rouge que fut composée l’extravagante constitution de 1793. C’était le signal de l’anarchie, c’était le casque de Henriot, c’était le diadème de Chaumette ; le parti montagnard, sans trop l’admettre, sans trop le rejeter, aimait à voir que ses bourreaux s’en parassent, comme d’un ornement qui n’annonçait rien de gai.

Les femmes révolutionnaires, désignées sous le nom de furies de guillotine, parcoururent tout Paris coiffées de ce bonnet, et présentèrent une adresse pour offrir de monter la garde, de faire le service du canon, pendant que leurs maris iraient combattre les ennemis de la République. Cette extravagance fut applaudie avec enthousiasme par tous les porteurs de bonnets rouges.

Chabot[1], cet odieux capucin qui arriva un jour à la Convention dans le sale costume des sans-culottes, la poitrine débraillée, les jambes nues, en sabots, tenait honteusement le bonnet rouge à la main. Mais ce fut sous ses auspices que la Commune osa demander que la loi martiale fût abrogée, pour faire place à un système d’assassinat qui devait moissonner sans aucune distinction, le pauvre, le riche, tous ceux qui désiraient vivre d’après des principes de justice et de vertu, et réaliser le projet des deux cent cinquante mille têtes coupées du fameux Marat.

On fit de ce bonnet rouge une espèce de drapeau contre les fédéralistes. Le fédéralisme avait été une fable imaginée pour faire retomber sur la tête des députés détenus la responsabilité de tous les malheurs dont, à chaque instant, on apportait les nouvelles à la Convention. On vit une multitude de sections et de communes des environs de Paris défiler dans le sein de la Convention, tambour battant et

  1. Après avoir été un des plus sanguinaires rédacteurs du Catéchisme des Sans-Culottes, fut accusé par Robespierre et guillotiné le 5 avril 1794.