Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/209

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vapeur légère au travers des soupiraux ; les buffets sont chargés de fruits, de confitures, de pâtisseries, et l’on dîne là à toute heure, de même qu’à la cour des potentats allemands, au son des instruments et des cors-de-chasse, embouchés par des filles qui ne sont pas des nymphes de Diane.

Des tripots de jeu soutiennent des boutiques de filles qui vendent des modes, des jarretières, des houpes, de l’eau de lavande, des cadenettes, de la cire à cacheter : à côté, un libraire où l’aristocrate chagrin, le frondeur de constitution recommence journellement ses éternelles lamentations. Les plus énormes sottises se débitent au milieu des livres qui ont préparé la révolution, et à côté des ouvrages qui maintiennent la liberté ; mais le libraire, malgré son avarice, ne vend ceux-ci qu’à regret.

Les anti-républicains y déclament sans cesse contre ce qui s’est fait et ce qui se fera. La république ne les aperçoit pas, et marche au milieu de ses triomphes[1].

Que d’appâts sans cesse tendus à l’adolescence, à l’homme blasé !

Les tableaux sortis des cabinets curieux, les gravures libertines, les romans érotiques, servent d’enseignes à une foule de prostituées logées aux mansardes. Leurs filets sont à dix pieds de la jeunesse ambulante, oisive et déjà desséchée dans sa fleur.

Je n’ai voulu peindre que les galeries. Au-dessus des boutiques et des mansardes, sont les académies de jeu[2], où toutes les passions et les tourments de l’enfer sont rassemblés.

Presque tous les mouvements qui ont troublé Paris

  1. Les représentants du peuple sont condamnés aux outrages, aux calomnies des journalistes ; ainsi que les anglais sont condamnés aux voleurs de grands chemins ; le tout pour éviter un plus grand danger ; la licence de la presse prouve sa liberté.

    Je suis brave, dira quelqu’un ; j’affronte les poignards : ce n’est pas assez, il faut savoir braver la calomnie. (Note de Mercier)

  2. Les locaux où se tenaient lesdites académies se louaient à raison de 15 livres par jour et par pièce.