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STATUE DE HENRI IV



Les statues des rois étaient tombées ; celle de Henri IV restait debout. On fut indécis si on l’abattrait ; le poème de la Henriade militait en sa faveur ; mais il était aïeul du roi parjure. Cette statue jusqu’alors vénérée subit le même destin. Ce qui m’étonna le plus, c’est que j’entendis dire autour de moi : Si Ravaillac a tué Henri IV c’est parce qu’il avait engrossé sa sœur et qu’il l’abandonna ensuite. Le peuple à la longue sait donc tout ! Ce fait-là était consigné dans un manuscrit de la bibliothèque Nationale[1].

Il eût passé pour sacrilège, celui qui aurait insulté naguère à cette effigie ; c’était une image, pour ainsi dire, sacrée et la voilà honteusement mutilée et foulée aux pieds !

On devait élever sur cet espace un monument digne de la régénération, et consacrer par une figure colossale l’insurrection la plus éclatante qu’on ait vue chez aucun peuple. Les Vandales qui scélératisèrent ce grand et beau monument, aimèrent mieux bâtir d’énormes Polichinelles de bois, vils emblèmes du Fédéralisme terrassé ; et le peintre David prêta ses crayons à ces infamies doublement déshonorantes pour les arts et la vérité.

En érigeant ces colosses de bois, en dénaturant à la fois l’humanité et le goût, en apothéosant les plus vils humains ils n’en répétaient pas moins d’une bouche emphatique les arts, les beaux arts ; comme s’ils eussent fait sortir de dessous leurs ciseaux la Vénus Médicis et l’Apollon du Belvédère.

On a remarqué que les comédiens et les peintres avaient joué dans la révolution les rôles les plus absurdes et les plus sanguinaires.

  1. Une autre version disait que Ravaillac n’avait fait qu’obéir à la reine-mère, et à d’Épernon. Rien de l’une et l’autre de ces versions n’a jamais pu être prouvé.