Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/226

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chaque employé de la république ; et tout en dévorant, elles disent un mal affreux de la république. Il n’y a rien d’horrible comme le régime actuel ; si elles dansent, c’est pour le faire enrager ; car elles ont ouï dire que les deux conseils n’aimaient point les danses. Elles ajoutent qu’il n’y aura que le bal qui ne périra point en France. Tous les écrouelleux qui cachent leur menton dans leurs cravates, s’écrient : paole victimée, cela ne peut pas durer. Cependant les femmes qui maudissent cet épouvantable régime républicain sont filles, sœurs, femmes de fournisseurs de la république : elles ne cessent de dévorer ; elles ne boivent plus de vin, à cause de la faiblesse de leurs nerfs ; mais elles avalent le kirschwasser, le marasquin et toutes les liqueurs des Îles.

Autrefois, les femmes dans les bals, prenaient des rafraîchissements, et tout au plus quelques biscuits dans un peu de vin. La gourmandise aujourd’hui les domine, et je ne cesse d’admirer leur contenance ferme à table, et avec quelles grâces franches elles satisfont leur strident appétit. Les perdrix froides font deux bouchées ; les viandes disparaissent et de grands verres d’eau rafraîchissent par intervalle leur palais brûlé par le feu des liqueurs.

Bruyants plaisirs, les femmes sont dans leur élément au milieu de votre tumulte ! Le contentement perce dans leur maintien, malgré leur déchaînement épouvantable, contre le temps qui court : jamais elles n’ont joui d’une telle licence chez aucun peuple ; la rudesse jacobite expire même devant les non-cocardées. Elles ont dansé, bu, mangé ; elles ont trompé trois ou quatre adorateurs de secte opposée, avec une aisance et une franchise qui ferait croire que notre siècle n’a plus besoin de la moindre nuance d’hypocrisie et de dissimulation, et qu’il est au-dessous de nous de pallier nos habitudes et nos goûts quels qu’ils soient.

Bientôt je rentre dans le cercle, ayant bien saturé mes regards de toutes ces attitudes diverses, de tous les points