Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/244

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Quoi qu’il en soit, les thés nous ramèneront peut-être à la politesse française.

Les jours où il n’y a pas de thés, l’on se promène à Coblentz[1], aux Champs-Elysées ; l’on va prendre des glaces chez Garchy, chez Velloni ; l’on va aux fêtes de Tivoli, aux feux de Ruggiéri ; et le pauvre frémit de l’étalage indécent du luxe, qui cependant le nourrit et l’entretient ; car il faut du luxe à Paris.

Les courses à cheval du Champ-de-Mars ont inspiré le goût de l’équitation aux favoris des amazones, non pas celles qui se brûlaient la mamelle pour mieux tirer de l’arc. Tous briguent la gloire de courir à côté d’elles aussi savamment que Franconi. Ils veulent tous monter à l’anglaise ; mais ne sachant pas saisir le mouvement du cheval, ils se fatiguent, et font rire de leurs sautillements convulsifs : le bois de Boulogne est leur carrière olympique. Il y a plusieurs années que de ridicules maquignons se sont ingérés de raser les oreilles des chevaux ; aujourd’hui c’est la crinière qu’on leur rase ; on leur met de la cire luisante aux sabots : bientôt on les poudrera.

On ne sait si les jeunes gens sont plus jaloux de faire parade de leurs montures que de leurs belles ; mais ils semblent plus charmés de leurs montures, au plaisir avec lequel ils caressent leurs coursiers, à l’attention avec laquelle ils les regardent et les flattent. Ceci rappelle le mot d’un ancien petit-maître qui aimait beaucoup les courses de chevaux et les soupers d’actrices. On lui demandait ce qu’il idolâtrait le plus, des filles ou des chevaux. Après un silence, il répondit : J’aime mieux les femmes, mais j’estime plus les chevaux[2].

On dit que la plupart de ces cavaliers n’ont que des chevaux d’emprunt, et que tous ces coureurs élégants fendent l’air avec la rapidité de la flèche pour aller retrouver

  1. Actuellement le boulevard des Italiens.
  2. Voir Tableau de Paris de Mercier (édition Louis-Michaud) : Chap. Anecdotes diverses.