Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/62

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de l’Assemblée qui appelait dans son sein le roi et toute sa famille.

À la voix de Rœderer le peuple s’apaise de nouveau et Louis et sa famille entrent dans l’Assemblée. Grand Dieu ! Ce calme fut comme l’intervalle du silence terrible entre l’éclair et le tonnerre laissant après sa chute, le signe épouvantable de sa colère.

Tout à coup, on entend une décharge de mousqueterie ; d’autres répondent. Des torrents de fumée roulent dans les airs ; le jour en est obscurci ; on ne se distingue plus ; le grand escalier est déjà jonché de morts et de mourants.

C’est dans ce fatal moment que les Suisses, pour feindre une réconciliation, jettent des paquets de cartouches par les croisées, font retentir les cris de : vive la nation ! Les Marseillais et les volontaires de la garde parisienne, persuadés que les Suisses se rendent au vœu du peuple, se présentent en foule au grand escalier des appartements, et, soudain, les traîtres font feu de bataillon et feu de file sur les volontaires et les Marseillais. Trois décharges consécutives encombrent les degrés de ce fatal escalier où la mort semble attendre ses victimes qui nagent dans les flots de sang.

À cette vue, le combat devient général. Onze coups de canon, encore visibles aujourd’hui, frappent la façade du château, vis-à-vis le Carrousel. Un boulet entame le bord de la fenêtre de la chambre du roi. Ici, le peuple de sang-froid conserve une présence d’esprit imperturbable dans les justes transports de sa colère. Il combat et se défend en lion ; il veut réduire en poudre le château et les tyrans qui l’assassinent.

Déjà les flammes dévorent la maison de l’État-Major des Suisses et celles environnantes. Les assaillants s’emparent des avenues du château. Les Suisses téméraires pâlissent à l’aspect de 100.000 baïonnettes ; ils résistent encore. Quels cris de douleur et de rage, quels rugissements ! On les entend tomber sous leurs armes pesantes, en poussant l’affreux hoquet de la mort. Là, des têtes volent par les croisées,