Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/91

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réconciliation impossible, attacher la nation entière à la révolution en l’attachant à ses excès : voilà quel fut le but de ceux qui voulurent gouverner. Ce qui sauva la fille du roi, idolâtrée de son père qu’elle vit aller à l’échafaud (tandis qu’elle ignora longtemps que sa mère avait eu le même sort), ce fut moins sa jeunesse que l’espérance confuse de Robespierre d’arriver par elle à un rang qui n’avait point alors de nom, mais auquel lui et son parti auraient su en donner un. Le chimérique, l’incroyable, se calculaient alors, comme les choses ordinaires et possibles.

Le Dauphin de France (car c’est le titre qui appartenait jadis à l’héritier présomptif de la couronne), avait reçu de l’Assemblée nationale constituante, qui détermina le sort du trône, le titre de prince royal. Il était prisonnier au Temple ; et là, sa mère, reprenant l’ancienne étiquette de la cour, et relisant Suétone, affectait de traiter cet enfant avec tout le respect dû à un monarque. Il était considéré comme Louis XVII dans sa famille au cachot (pauvre orgueil humain !), tandis que les révoltés de la Vendée le proclamaient sous cette qualité, et que tous leurs actes se faisaient en son nom. Cet enfant avait six ans et quelques mois quand les portes du Temple s’ouvrirent pour le recevoir ; elles s’étaient refermées sur lui pour jamais. La commune lui avait donné pour gouverneur, instituteur et précepteur, un savetier nommé Simon : tout son soin était de lui désapprendre à être roi, ou à faire le roi. Il lui apprenait à jurer, à maudire son père, à traiter sa mère de P***, à chanter la Carmagnole et à crier : vive les sans-culottes ! et ce qui prouve les progrès de cette neuve éducation, c’est le rôle qu’on fit jouer à cet enfant dans le procès de sa mère. Il fut dressé procès-verbal de ses déclarations, (procès-verbal monstrueux). Mais qu’y avait-il d’inconcevable dans ce temps-là ? d’où il paraissait résulter… je frissonne en écrivant ces lignes… que Marie-Antoinette avait essayé de tirer de son fils des ressources que le libertinage ne lui faisait pas