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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/116

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L’un se fait comte au bas d’un madrigal ; celui-ci, marquis dans un almanach : ils déclament fort haut contre la médiocrité orgueilleuse, & tous sont orgueilleux & médiocres. Plusieurs font parade de leur naissance, non moins équivoque que leurs talens : ils alongent, tant qu’ils peuvent, les syllabes de leur nom, & prennent un journal pour nobiliaire de France. Ils soutiennent encore qu’ils n’impriment pas pour de l’argent : ce qu’ils prouvent si bien à chaque ligne qu’ils écrivent, qu’on voit assez qu’ils n’en n’auroient jamais pu faire leur métier. Mais s’ils ne prétendent pas au titre d’auteur, pourquoi se faire imprimer ? Ce n’est point une excuse de dire qu’on ne travaille que pour son plaisir, disoit Rousseau le poëte.

On pourroit les comparer à ces guêpes qui tournent à l’entrée d’une ruche, sans pouvoir y entrer : jamais ils ne feront de miel, & ils ne parlent que de la fabrique du miel ; c’est bien pis encore, quand ils