Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 124 )

leur paie à la fin du mois : l’éleve, non moins ignorant que le premier jour, & qui aura saisi quelques termes à la volée, se pavanera le reste de sa vie de son prétendu savoir, n’imaginant pas même qu’on puisse se moquer de lui, lorsqu’il sera en état de citer les maîtres fameux qui sont venus dans son hôtel le saluer avec gravité, prendre son argent, & se sauver, pour aller ailleurs vendre à un autre riche le nom seul des sciences. Eh ! que leur faut-il de plus ?

Parmi tant de maîtres, on ne s’est jamais avisé, même en plaisantant, de chercher ou de demander un maître de morale : c’est que tous les hommes croient posséder cette science-là, ou plutôt qu’ils n’en ont aucune idée ; aussi aime-t-on mieux appeller un figurant dans un ballet, qu’un moraliste. La jambe & les pas du premier disent quelque chose, & le langage de l’autre seroit inintelligible. Aussi n’y a-t-il jamais eu en France, depuis la fondation de la monarchie, un maître de morale.