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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/169

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ces impertinences qui se trouvent dans la bouche des hommes les moins faits pour les prononcer. On les entend raisonner assez juste sur d’autres objets ; mais quand il est question de l’Angleterre, ils semblent n’avoir ni jugement, ni connoissances, ni lecture. Ils n’ont pas la moindre idée de la constitution de cette république ; ils en parlent à peu près comme un feuilliste qui ne sait pas un mot d’anglois, parle de Shakespear. Ces assertions gratuites ne méritent que la risée des hommes instruits ; cependant les premiers de la nation, les gens de lettres eux-mêmes sont peuple à cet égard.

Un bourgeois de la rue des Cordeliers écoutoit assidument un abbé, grand ennemi des Anglois. Cet abbé l’enchantoit par ses récits véhémens ; il avoit toujours à la bouche cette formule : il faut lever trente mille hommes, il faut embarquer trente mille hommes, il faut débarquer trente mille hommes ; il en coûtera peut-être trente mille hommes pour s’emparer de Londres, Bagatelle !