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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/270

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du bonnet de la femme-de-chambre d’une marquise. On s’habille en place publique, & bientôt l’on y changera de chemise.

L’acheteuse ne sait & ne s’embarrasse pas d’où vient le corset qu’elle marchande : la fille innocente & pauvre, sous l’œil même de sa mere, revêt celui avec lequel dansoit, la veille, une fille lubrique de l’opéra. Tout semble purifié par la vente ou par l’inventaire après décès.

Comme ce sont des femmes qui vendent & qui achetent, l’astuce est à peu près égale des deux côtés. L’on entend de très-loin les voix aigres, fausses, discordantes, qui se débattent. De près la scene est plus curieuse encore. Quand le sexe (qui n’est pas là le beau sexe) contemple des ajustemens féminins, il a dans la physionomie une expression toute particuliere.

Le soir, tout cet amas de hardes est emporté comme par enchantement ; il ne reste pas un mantelet, & ce magasin inépuisable reparoîtra sans faute le lundi suivant.