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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/127

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traits les plus frappans & les plus vigoureux d’une imagination forte & pittoresque.

Est-ce que le regne de l’imagination seroit totalement éteint parmi nous, & qu’on ne sauroit plus s’enfoncer dans ces compositions vastes, morales & attachantes, qui caractérisent les ouvrages de l’abbé Prévost & de son heureux rival, M. Retif de la Bretonne ? On se consume aujourd’hui sur des hémistiches, nugæ canoræ ; on pese des mots ; on écrit des puérilités académiques : voilà donc ce qui remplace le nerf, la force, l’étendue des idées & la multiplicité des tableaux. Que nous devenons secs & étroits !

Il reste à une plume douée de cette énergie un tableau neuf à tracer : une mere malheureuse qui se trouve pressée entre la famine & le déshonneur, qui ne peut échapper à la mort qu’en livrant sa fille qui combat long-tems, qui triomphe & qui expire au milieu des hommes cruels, calculateurs de ses souffrances, & qui attendoient d’elle ce sacrifice horrible & forcé. Elle meurt avec la