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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/149

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& de grandeur dans tout le reste : pourquoi en mettrions-nous dans l’amour ?

On ne voit plus un amant délaissé, chercher dans le poison un remede à ses maux ; il y en a de plus doux ; & l’inconstance (que je ne prétends pas justifier) vaut cependant mieux que les mouvemens frénétiques, qui tenoient encore plus à l’orgueil personnel qu’à la vraie tendresse.

Il seroit dangereux, dit-on, que l’amour dévorât toutes nos autres passions. La patrie & la société y perdroient. Ne voir, n’adorer qu’un seul objet, lui tout sacrifier, c’est perdre la liberté, c’est livrer à une sorte de délire & d’extravagance toutes les facultés de notre ame. Voilà la logique reçue.

L’estime vraie & sentie, ajoute-t-on, quand elle est perpétuée, suppose bien plus de vertus dans l’objet aimé : & une femme qui sent avec délicatesse, est bien plus jalouse d’inspirer un tel sentiment, que d’attirer les hommages uniquement attribués à ses charmes, parce que ces hommages s’éva-