Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 149 )

bien être séduite, & la véritable vertu peut se conserver intacte au milieu de tant d’exemples contraires. Mais fera-t-on honneur à mon siecle, de l’absence d’un tel vice ? Je ne le crois pas, parce qu’il suppose l’anéantissement de plusieurs vertus. Le viol prouvoit, ainsi que le sacrilege, que les femmes & les autels étaient religieusement adorés.

L’amour ne sera donc point appellé parmi nous le bourreau des cœurs. Toujours content, toujours folâtre, il s’envole avant l’ennui : il attaque avec tant de légéreté, que ses atteintes ne blessent que les cœurs qui consentent à être blessés.

Je dis qu’en ôtant à cette passion ce qu’elle avoit de féroce & de redoutable, on a diminué quelques crimes & beaucoup de grands talens. À en juger par l’histoire, les forfaits sanglans étoient comme inséparables des affections profondes, jalouses & vindicatives, qui tyrannisoient nos aïeux : ainsi tout est compensé.