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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/220

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de Paris est le peuple de la terre qui travaille le plus, qui est le plus mal nourri, & qui paroît le plus triste. L’Espagnol se procure à bon marché la nourriture & le vêtement : enveloppé dans son manteau & couché au pied d’un arbre, il dort & végete paisiblement. L’Italien s’abandonne à un doux repos, qu’interrompt un léger travail, & ouvre son ame aux délices journalieres de la musique. L’Anglois bien nourri, fort & robuste, heureux & libre dans les tavernes, reçoit tous les fruits de son active industrie, & en jouit personnellement. L’Allemand boit, fume & s’engraisse sans soucis. Le Suédois hume l’eau-de-vie de grains. Le Russe, sans prévoyance fâcheuse, trouve une sorte d’abondance dans l’esclavage. Mais le Parisien pauvre, courbé sous le poids éternel des fatigues & des travaux, élevant, bâtissant, forgeant, plongé dans les carrieres, perché sur les toits, voiturant des fardeaux énormes, abandonné à la merci de tous les hommes puissans, & écrasé comme un insecte dès qu’il veut