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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/222

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avec ce nom sacré ; mais ces misérables ne craignent ni la justice ni sa présence. Ils mentent à chaque passant : entretenus par les aumônes, ils font semblant d’être souffrans, mutilés, pour se dérober au travail qu’ils détestent.

On a vu jadis des poltrons se couper le pouce, pour se dispenser d’aller à la guerre. Eux, ils se couvrent de plaies hideuses, pour attendrir le peuple ; mais quand la nuit vient, suivez ces vagabonds dans le cabaret reculé de quelque fauxbourg, lieu du rendez-vous : vous verrez tous ces estropiés, droits & dispos, se rassembler pour leurs bruyantes orgies. Le boiteux a jeté sa béquille, l’aveugle son emplâtre, le bossu sa bosse de crin ; le manchot prend un violon ; le muet donne le signal de l’intempérance effrénée. Ils boivent, ils chantent, ils hurlent, ils s’enivrent ; la licence la plus débordée regne dans ces assemblées. Ils se vantent des impôts prélevés sur la sensibilité publique, de la violence qu’ils font aux ames compatissantes & cré-