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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/244

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& ils font jouer au pauvre peuple, deux fois par mois, le jeu le plus insensé & le plus dévorant. Le stupide vulgaire se flatte d’attraper un quaterne ou un quine.

Les suites funestes de cette cruelle loterie sont incalculables. L’illusion fait porter aux cent douze bureaux l’argent réservé à des devoirs essentiels. Les domestiques, incités par un appât dangereux, trompent & volent leurs maîtres. Les parens aveuglés par leur tendresse, croient doubler leur fortune, & la perdent entierement. Les commis, les caissiers hasardent leur dépôt, & se donnent ensuite la mort par désespoir. Plusieurs maisons sont tombées par ce jeu ruineux. Une certaine ivresse s’empare de tous les infortunés, & ils perdent le dernier soutien de leur vie défaillante. On est pleinement instruit de toutes ces scenes tragiques, désastreuses & presque journalieres ; & malgré toute l’évidence du danger & toute la force du sentiment, qui fait voir cette loterie comme vexatoire, on en laisse subsister les fu-