Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 28 )

étourderie un couplet éloquent, en détruira-t-il tout l’effet en le coupant avec une folle impatience ? Cette précipitation tumultueuse nuit à l’acteur & au poëte ; on ne les laisse point achever, & l’illusion, au milieu de ce bruit insensé, s’enfuit à tire-d’aile. Pourquoi tant babiller avec les mains, & plus qu’aucun peuple de la terre n’a babillé avec la langue ?

Mais quel est l’applaudissement qui doit flatter le grand poëte & le grand acteur ? C’est lorsqu’un sombre & profond silence regne dans la salle, lorsque le spectateur, le cœur brisé & l’œil baigné de larmes, n’a ni la pensée ni la force de se livrer à des battemens de mains, que, plongé dans l’illusion victorieuse, il oublie le comédien & l’art ; tout se réalise autour de lui ; un trait ineffaçable descend dans son ame, & le prestige l’environnera long-tems.