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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/71

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Ensuite des symphonistes déguenillés, perchés sur des tréteaux & environnés de sales lampions, font crier des violons aigres sous un dur archet ; la canaille fait un rond immense, sans ordre ni mesure, saute, crie, hurle, bat le pavé sous une danse lourde : c’est une bacchanale beaucoup plus grossiere que joyeuse ; & comment donne-t-on une aussi froide orgie pour une fête nationale ? Est-ce ainsi que les anciens faisoient participer les citoyens pauvres à l’alégresse publique ?

Si l’on jette de l’argent, c’est pis encore : malheur au grouppe tranquille, où l’écu est tombé ! Des furieux, des enragés, le visage sanglant & couvert de boue, fondent avec emportement, vous précipitent sur le pavé, vous rompent bras & jambes, pour ramasser la piece de monnoie : c’est une masse qui tombe & se releve, ainsi qu’on voit dans les forges l’énorme marteau de fer qui écrase tout sur son passage en un clin d’œil.

On est obligé de fuir la cohue tumultueuse, de se retrancher chez soi, parce que