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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IX, 1788.djvu/153

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Mais la saignée a fait distinguer un saigneur habile d’un saigneur ordinaire : la légéreté, la grâce, la promptitude ont fait une réputation à tel homme qui ne savoit qu’ouvrir la veine. Le bras d’une duchesse se soumet à l’incision lorsque la lancette a de la vogue. En effet, saigner un bœuf, saigner une harengère, saigner une marquise, sont trois saignées différentes. Les deux premières se confondent : mais un bras potelé, il faut en saisir la veine avec légéreté.

Louis XIV vieillissoit ; on avoit l’habitude de le saigner tous les mois. Un jeune petit chirurgien, qui avoit gagné assez gros sur le pavé de Paris, par une très-grande habileté à saigner, s’imagina que sa fortune seroit faite, s’il pouvoit parvenir à saigner une fois le roi. Il trouva des connoissances auprès de Daquin, pour lors premier médecin, & lui conta son affaire, lui disant que s’il pouvoit lui procurer ce qu’il desiroit, il y avoit dix mille écus de consignés chez un notaire.

Daquin avoit bien envie de les gagner ; mais la chose n’étoit pas facile à mener,