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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IX, 1788.djvu/341

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les Parisiens veulent se noyer dans la Seine par amour pour elle, tant ils s’aveuglent sur le péril. C’est à qui entrera le premier dans le batelet ; alors c’est presque un combat entre la garde, qui leur donne des coups de bourrades pour les empêcher de se noyer & les badauds, qui ne veulent pas désemparer le batelet chargé, qui déjà s’enfonce. Cela forme spectacle ; le sergent & les sentinelles haranguent le peuple avec une colère vraiment patriotique. Le peuple est sourd & opiniâtre, parce qu’il veut aller à Saint-Cloud.

L’embarquement est si tumultueux & si confus, qu’il y en a toujours quelques-uns qui tombent à l’eau. On les repêche ; mais cela ne rallentit pas l’ardeur des poursuivans. Les plus prudens s’entassent sur des charrettes, qui sentent les choux & le fumier, qu’elles voiturent toute la semaine. De petites demoiselles endimanchées, montrant d’abord leurs jambes, escaladent la voiture à jour. Les voilà rangées comme une marchandise à vendre, pressées, Dieu sait !