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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IX, 1788.djvu/349

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caressé avec plus d’enthousiasme & d’extravagance un fantôme aussi étrange. Le Français fait pitié quand il livre son attention à des fables aussi ridicules. C’est bien là l’opposé de l’art dramatique.

Mais poètes, acteurs, spectateurs, nul ne s’en doute. Je vois d’avance le ridicule dont nous serons justement couverts par nos neveux, qui proscriront enfin ces farces sérieuses qui usurpent se nom de tragédies ; & il en sera de la Melpomène française comme de notre musique : les autres nations n’ont pu la goûter, & nous avons été réduits à l’admirer tout seuls ; nous l’abandonnons aujourd’hui après avoir bien injurié ceux qui nous ont apporté des plaisirs nouveaux & des sensations plus profondes.

Il est bon d’entendre ce que les étrangers pensent de notre tragédie, ce qu’ils en disent, & de quelle manière ils envisagent l’art dramatique. Les Anglais, les Italiens, les Allemands, les Espagnols nous sont opposés ; & en France même il y a beaucoup de gens sensés qui ne peuvent souffrir un