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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome V, 1783.djvu/313

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levres avides & trompées du nouveau Tantale.

L’eau de réglisse a été bien battue dans la fontaine éternellement ambulante ; aussi mousse-t-elle d’elle-même ; les enfans, les bonnes, les garçons tailleurs, les écoliers s’attroupent en été autour du vendeur de tisanne ; il ne fait qu’ouvrir & fermer le robinet avec une précision adroite, & tous boivent dans le même vase. Le rincer seroit chose longue & superflue ; les buveurs pressés de la soif n’en donnent pas le tems ; on en fait néanmoins le semblant.

Vous seriez sur une échelle de dix pieds de hauteur, que le gobelet enchaîné pourroit encore monter jusqu’à vos levres. Si vous buvez lentement, ce qui n’est pas permis, le vendeur tire la chaîne à lui, & vous avertit de cette maniere que d’autres attendent ; avalez, vous crie-t-il, c’est du vin de Condrieux, vin de Canarie !

On donnoit autrefois deux coups à boire pour un liard : mais c’étoit dans le bon tems.