Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VIII, 1783.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 215 )

se déchirer pour un oui ou pour un non.

Il n’y a pas soixante ans que la manie de se battre étoit montée à un tel point, que l’homme le plus sage & le plus circonspect ne pouvoit éviter une querelle sanguinaire, & que l’honneur étoit compromis dès que l’on ne s’appelloit pas sur le pré au moindre geste équivoque, & pour le motif le plus futile.

Du tems de la régence encore, chaque jour étoit marqué par la mort de plusieurs hommes obéissans au préjugé qui vouloit qu’on s’égorgeât sans réflexion. On se choisissoit même un second dans toutes les disputes qui intéressoient la vanité. Ce second n’étoit pas libre de refuser l’honneur dangereux qu’on lui faisoit, & il alloit se couper la gorge sans trop savoir pourquoi.

Des spadassins qui prisoient leur existence ce qu’elle valoit, jouoient leur vie à tout venant ; & le misérable point d’honneur, d’autant plus tyrannique qu’on ne savoit comment l’interpreter, obligeoit l’homme le