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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VIII, 1783.djvu/290

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partie intégrante de la poésie ; elle en est le ridicule & le fléau. Il est devenu impossible d’enfanter un long ouvrage, sans se briser sur l’écueil.

Cette rime tyrannique, cette ritournelle de consonnances, ce tintement puéril, font perdre à la langue sa netteté, sa précision, sa flexibilité même. Cette coupe gênante étrangle les pensées, & par-là le style devient uniforme & haché. Nulle rondeur, nulle plénitude, nulle majesté. La prose la plus commune a un caractere plus libre, & plaît davantage à tout homme sensé. Il faut être Maniaque ou un Voltaire pour faire des vers françois passé vingt-huit ans, lorsqu’ils sont si peu lus.

Je plains fort cette foule de jeunes gens qui s’adonnent à la rime ; ils négligent tout le reste pour posséder leur Richelet ; ils veulent mettre en vers tous les poëtes anciens : ce qui annonce d’abord un défaut de jugement. Ils se tourmentent en pure perte. Plein de compassion pour les tortures qu’ils