Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/113

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REVUE DE LA QUINZAINE 299 les choses se sont passées ; et l’embarras de l ’historien s’accroît avec l’abondance des documents. » C ’est sans doute parce que c’est très difficile que l’a u te urs ’y consacre exclusivement! Voici au moins trois volumes, des genres les plus différents, que M. Anatole France dévoue à cette noble cause. L ’histoire! Quelle histoire? Mais la seule, l’ unique, l ’histoire de VAffaire! L’Ile des Pingouins, la Pingouinie, qui pourrait bien représenter la France, un beau pays, ma foi, puisque l’anteur en ports le nom, n’est pas une île à propre­ ment parler, c’est un isthme, ça sert de pont entre deux continents : VAffaire d’hier et VAffaire d’aujourd’hui ! Pour notre grand aca­ démicien qui détient le record de l ’ironie pingouine et celui de l ’élé­ gance grecque, il n’y a qu’une histoire : celle du crime de Pyrot, le petit ju if qui avait volé quatre-vingt mille bottes de foin. (Jadis, je veux dire dans l ’histoire d’avant celle-ci, ce petit juif s’appelait autre­ ment. Mais j ’ai oublié son nom.) Je n’ai pas lu Jeanne d’Arc, parce que les livres sérieux ne me regardent point, Dieu en soit loué ! pourtant je parierais mon couteau à papier contre l ’innocence du traître Ullmo, autre petit ju if de distinction, que l’histoire très véri­ dique, la seule, de cette Jeanne-d’A rc-là contient son chapitre sur VAffaire, et étant donné le sing ulier non moins que délicieux état d’esprit de M. Anatole France, je ne m ’étonnerais guère d ’y voir le traditionnel évêque Cauchon se prononcer nettement contre la révi­ sion que vous s a v e z . Oui, c ’est certainement difficile d’écrire l’his­ toire, surtout cette histoire, et toute la science, toute l ’ironie, toute l ’é­ légance grecque, romaine ou française ne peuvent faire que la même histoire puisse nous amuser longtemps. A l’heure actuelle, nous som­ mes des tas qui ne nous préoccupons plus du tout de savoir com­ m en t les choses se sont passées, précisément à cause de l ’abçmdance des documents, j ’allais dire : des matières. Nous sommes des tas qui rêverions de lire un beau livre dans lequel nous serions sûrs de ne pas le rencontrer innocent ou coupable. Que voulez-vous, cher Maître, il y a même des geas que cela rase si effroyablement de l’entendre appeler le juste, qu’ils en prennent un revolver... pour se boucher les oreilles: Or, fait nouveau que je signale à l’attention de votre grand esprit documentaire, les pingouins de Pingouinie les acquittent... L’Am our guette... par Jean Fossendal et l’auteur d’Amitié amoureuse. Encore I Voyons ; de deux choses l’ une : si l’auteur d’Ami­ tié amoureuse n’a fait qu ’un livre de bieu, il conviendrait de ne pas l’avancer avec cette noble insistance, et si, comme j ’en ai eu la preuve déjà, il a fait beaucoup de volumes très bien, pourquoi ne serait-il pas successivement l ’auteur de tous ces volumes de plus en plus forts ? Il y a la troisième chose qui est le souci de la réclam e... Mais c’ est la solution vulgaire et je ne veux pas m ’en occuper. D ’ailleurs il faut que je m’occupe du roman de M. Fossendal. L ’amour guette une pauvre