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bien élevés, mais c’est curieux tout de même d’introduire ça sous ce vocable : petite bibliothèque de la famille.

Le Sequin d’or, par Anne Osmond. Ça, c’est de l’ouvrage pour snobs et snobinettes. C’est bien fait.

RACHILDE.



LITTÉRATURE

Jean-Paul Nayrac : La Fontaine. Ses Facultés psychiques. Sa Philosophie. Sa Psychologie. Sa Mentalité. Son Caractère, I vol. in-8, 5 fr., Henri Paulin et Cie. — Henri Lavedan : Bon an, mal an, 1 vol. in-18, 3.50, Perria,— Jules Claretie : La Vie à Paris. 1907, 1 vol. in-18, 3.50, Fasquelle. — Édition illustrée des chefs-d’œuvre de la Littérature. Choderlos de Laclos : Les Liaisons dangereuses, 1 vol. in-8, 0., 95, Maurice Bauche.

M. Jean-Paul Nayrac, dans cet ouvrage, a démonté, pièce à pièce, l’intelligence et la sensibilité de La Fontaine ; il en a étudié tous les rouages, séparément. Il nous explique ensuite comment ces rouages se commandent les uns les autres et reconstitue ainsi la vie physiologique et psychologique du fabuliste. Il faut avouer que l’analyse psychologique ne saurait avoir la précision d’une analyse chimique ; cependant ce travail est intéressant et peut-être pas tout à fait vain. M. Nayrac, pour ses études, pour ses expériences, s’est surtout servi des lettres intimes et de ce qu’il a trouvé de plus per­sonnel dans les œuvres du fabuliste. Il nous dit comment son cer­veau réagissait aux chocs extérieurs, et il le classe parmi les visuels et les impulsifs. La Fontaine est curieux de tout, de toutes les émo­tions physiques, mentales et sentimentales, et il se donne en entier à sa passion du moment. Mais il a une faculté admirable d’oublier et se trouve ainsi toujours vierge devant la vie et le passé qui ne fait qu’ enrichir son subconscient de ses images et le fructifier de sa cendre, sans entraver aucun de ses gestes du moment présent.

M. Nayrac nous explique bien le mécanisme spécial de la mémoire du fabuliste, qui ne retient que les images visuelles des choses, qu’il associe par analogie. Son cerveau rejette aussitôt, sans se l’ assimiler, ce qui lui est inutile à retenir, ce qui ne saurait le nourrir. C’est un travail de sélection inconscient. L’auteur nous explique encore que les distractions légendaires du poète, loin de signifier une paresse de son esprit, indiquent au contraire une grande activité cérébrale, une tension perpétuelle de sa pensée. S’il est distrait, s’il semble marcher dans la vie comme un halluciné, c’est qu’il n’est plus dirigé automati­quement que par son subconscient, tandis que son cerveau travaille.

La Fontaine est un exemple de la maturité tardive. C’est à qua­rante-quatre ans qu’il a produit ses premiers écrits et ce n’est que trois années plus tard qu’il publia ses premières fables : « Si les anthropologistes, observe M. Nayrac, ont pu remarquer, par la suite,