Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

REVUE DE LA QUINZAINE 331 volontaire de madame de Bonnemains. Il n’était pas pour surprendre Déroulède. Dès qu’il eut compris la place que tenait cette femme dans la vie du général, il lui avait posé la question : — Madame, excusez ma hardiesse, mais j ’ai besoin de savoir si vous êtes une amoureuse ou une ambitieuse ? — L ’une et l’autre, répondit-elle. Pourtant ne craignez rien de moi : j’a im e trop le général pour lui donner un conseil. Elle disait vrai, ce jour-Ià. Jamais son action ne se manifesta par des paroles, des avis, des directions imposées. Ce ne fut pas un tyran, mais une esclave et qui ne pensait qu’à plaire. La seule (race un peu sensible de toute sa puissance humiliée, c ’est ce détail d’ une puérilité qui confond: Boulanger s’appelait Ernest ; elle le fit appeler Georges. A ujo u rd ’hui elle est phtisique; les brumes de Jersey la tuent, elle ne se plaint pas au général ; c’est à un étranger qu’elle demande de s’entremet­ tre pour elle. Cette autre anecdote valait d’être recueillie : De jo u r en jou r la fièvre boulangiste s’éteint. Encore quelques mouve­ m ents ça et là, mais sans force, vite apaisés. Rien qui puisse ramener un homme décidé à ne hasarder son retour que sur d’impossibles certitudes. Pourtant, sait-on jamais les surprises que réservent ces natures ambi­ tieuses et passionnées ? Déroulède raconte qu’à la mort du général on trouva dans ses papiers une lettre adressée à Mme de Bonnemains, qui s’at­ tarda! t alors à Paris pour régler les affaires de son divorce ou peut-être consulter des médecins. « Si vous restez un jo u r de plus, lui écrivait le général, je vous rejoins à Paris. » Ce que Déroulède commente : — Que n’ai-je connu ce billet ! Je l’aurais fait enfermer plutôt que de la laisser partir. Pour terminer, voici un mot de Boulanger qu’on dirait écrit par M. Maurice Barrés : Il (M. P . Déroulède) ne revit le général qu’à Bruxelles, au cimetière d’Ixelles, sur la tombe de M^e de Bonnemains. Lamentable spectacle, cet homme qui ne dominait pas sa douleur ! Encore une fois il le supplia de le suivre : que faisait-il en exil ? Rien ne l ’y retenait plus. — Je me dois à cette tombe, répondit le malheureux* Ce fut là le dernier mot du général à l’importun. M* Paul Morisse, qui, avec M. G. Polti, a réalisé une belle traduc­ tion de YHenri d’Ofterdingen, de Novalis, publie dans L a N ou­ v e lle R e v u e (i5 octobre) une version française, la première qu’on ait imprimée, des Hymnes à la nuit du célèbre mystique. Peu d’écrivains allemands sont aussi profondément germains que le fut Novalis. Restituer, dans un français pur, sa pensée et la forme dont