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Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/144

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33o MERCVRE DE FRANCE— i6-si-1908 ces de la Charente discrètes et un peu grêles : pays qui ne se livre guère, où il faut vivre longtemps pour eu respirer le parfum. Il a la vertu de son cognac : on ne le goûte vraiment que si Ton est du terroir. Au delà, le Périgord mélancolique,plus touffu, plus m ystérieux... C’est une histoire charmante, par sa modestie même, celle de ce domaine familial. Oue de peines il a coûté à ces Déroulède, artisans que Ton trouve, dès le seizième siècle, établis à Lavalette! Comme on devine, rien qu’à feuilleter les actes notariés qui relatent les ferm ages et les ventes, que ce logis fut longtemps l’objet de leur convoitise! On y lit le goût de la terre, une âpreté paysanne, une patience économe qui atteint le but de son désir. Partout on y sent la trace de volontés, d’activités disparues, qui se survi­ vent dans un mur, dans Taménogement d’une charmille ou d’ un jardin potager. Long effort de deux siècles pour ménager une retraite à un poète. Remarquez-vous avec quelle délicatesse de style MM. Tharaud appliquent au pays charentais les propriétés de la campagne lor­ raine découvertes par M. Maurice Barres? Ce grand écrivain « déra­ cine )>sans le vouloir ses meilleurs disciples. J’aime beaucoup cette page de MM. Jérôme et Joseph Tharaud, en vérité. Il faut une extrême adresse, quand on est un lettré, pour vanter les vers de M. Paul Déroulède. Ils valent les chansons de Déranger, sans doute. MM, Tharaud les apparentent à ceux de Corneille. Holà! messieurs... Cette poésie aux rythmes naïfs, au vocabulaire volontairement simplifié et qui veut, avant tout, se faire entendre, elle est, avec les chansons de Béranger, la seule qui ait atteint, en ce siècle, l ’âme enfantine et popu­ laire. Plus éloquente que lyrique (et bien française en cela), elle abonde en vers frappés à la manière de Corneille, et Ton en citerait d’admirables si l’on ne craignait d’humilier tout le menu peuple des autres, qui n’ont que la beauté des humbles : le courage et la santé. — Ce n est pas assez de ne pas parler de ce jeune homme, disait Leconte de Lisle quand on prononçait devant lui le nom de Déroulède ; il faut encore en mal parler. Quelle parole sotte et méchante ! Mais pouvait-il comprendre cette poésie populaire^ le poète des choses accablées sous le ciel des tropiques ? Ceux qui tiennent pour rien ces vertus françaises, i’émotion, l’esprit, la grâce, peuvent dédaigner ces fables du patriotisme. Elles sont entrées dans le domaine de notre littérature nationale. A propos de M. Paul Déroulède et du général Boulanger, MM. Tharaud rapportent en note cette historiette curieuse. Le prési­ dent de la L.D .P . était allé voir le « brav’général » en sa villa de Sainte-Brelade, à Jersey : Dans la chambre qu’on lui avait préparée, il (M. Paul Déroulède) trouva ce billet : « Ramenez le général à Paris; je meurs ici, ce climat me tue. » Ce billet sur cette table, c’est l’aveu le plus émouvant de l ’effacement