Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/162

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MERCVRE DK FRANCE— 16-xi-1908 trait de François-René Molé, prêté par M* G. Dormeuil à Texposi- - tion récente du Théâtre : Le portrait de Molé a en effet été gravé par Augustin de Saint-Aubin en ’1786, et ainsi que je m’en aperçus alors d’une visite au musée des Arts Décoratifs, cette estampe n’est précisément que la traduction de la peinture de [la collection Dormeuil. J’avais été vivement frappé par la qualité de l’original, par la sûreté du modelé, la finesse du coloris, la vie de la phy­ sionomie et j ’avais éprouvé la curiosité vague de découvrir l’auteur de cette œuvre remarquable, quand je reconnus tout à coup mon personnage à l’Ex- position même du Théâtre, le visage simplement renversé à contre-sens par le tirage de la gravure. J’étais en face de la planche de Saint-Aubin, qui porte non seulement son nom, mais aussi, comme on sait, le nom du pein­ tre E. Aubry. Il n’y a entre la toile et la gravure que quelques légères différences. Saint-Aubin a naturellement supprimé les fleurettes brodées sur l’habit jaune à manches mauves, et pour remplir cette partie il a indiqué un col à revers, mais il a conservé le petit motif décoratif de la cravate de dentelle. Quant au visage, il est exactement copié sur la peinture : même dessin, même éclairage, même modelé, même lobe de Toreille ; seule la valeur des sourcils et de l’ombre au-dessous du nez paraît dans la planche légèrement adoucie. Le changement le plus important porte sur la perruque, qui est arrondie, tandis qu’elle affecte dans la peinture une forme plus conique et d’ailleurs plus amusante* Mais ce changement peut s’expliquer par le fait que les deux œuvres sont d’époques différentes. Etienne Aubry était déjà mort depuis cinq ans lorsque le portrait de Molé fut gravé, et celui-ci même, à en juger par l’âge du personnage représenté, devait remonter aux environs de 1771 * Peut-être même cette modification est-elle due au désir du portraicturé : Molé devait en effet s’y connaître en perruques, étant par son mariage avec sa camarade de la Comédie Française, M11^de L’Epi- nay, gendre du sieur Claude-André Pinet, perruquier. Voici comment le Mercure de France de février 1786 annonça la gravure : Portrait de François-René Molé, comédien français, pensionnaire du Roi et professeur de l’école royale de chant, de danse et de déclamation. Ce portrait vu de face et format grand 4° est gravé par Augustin de Saint-Au­ bin d’après le tableau original de feu M. Aubry, peintre du Roi* Il se vend à Paris chez l’auteur, rue des Prouvaires, n° 54* Prix : 3 livres. Ce por­ trait doit exciter ^empressement du public par la beauté du burin, le mérite de la ressemblance et les talents rares de l’original. Je ne puis m’arrêter longtemps à l ’hypothèse dans laquelle le même personnage se serait fait peindre deux fois avec la même pose par deux artistes différents : elle soulève trop d’iuvraisemblances et d’im­ possibilités pour pouvoir être prise au sérieux. Il faudrait admettre que les deux peintres ont choisi la même toile ovale, chose déjà rare, que le modèle a pris exactement la même pose, chose plus difficile