Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

REVUE DE LA QUINZAINE 3}3 se battre en duel avec eux, et leur a intimé l’ordre de ne sortir que par groupes, afin de pouvoir se défendre à l’occasion. C ’est la guerre. La ville est en feu; une grande manifestation se prépare. Pendant ce temps, le lieutenant Joas a grisé le « cadet » Sedla­ cek pour lui faire avouer sa trahison. L ’élève-officier confesse q u’il a vu les épreuves de l’article tragique chez son auteur, qu ’il n’a pas songé à le dénoncer, q u’il l’a fait inconsciemment, sans le vouloir, et qu ’il en est fou de désespoir. II se tenait dans la cour du quartier avec un officier q u ’il ne veut pas nommer, et qui disaitque celui qui avait pu écrire un pareil article était uncoquin ;à ce moment, le cou­ pable était venu à passer, et Sedlacek avait poussé du coude son camarade pour le faire taire. L e camarade était allé chez le colo­ nel, et le malheur était arrivé. Au moment où le cadet achève sa douloureuse confession, on en­ tend sonner l ’alarme à la caserne. La manifestation étant devenue menaçante, on fait sortir deux compagnies. De la maison Karady, nous assistons de loin au drame : un vieux domestique est grimpé sur le mur, et nous le dit au fur et à mesure. Le lieutenant, Joas com­ mande une des compagnies, et l’on ne voit pas celui qui commande l’autre. On entend le clairon, puis une décharge : l’ autre compagnie a tiré ; le clairon sonne encore, et donne le signal « ouvrez le feu » au lieutenant Joas : mais le lieutenant refuse d’obéir, et commande a l ’arme à l ’épaule ». Il s’est sacrifié. On l ’arrête, et on lui prend son épée. Le troisième acte se passe à la caserne, où on va interroger le lieu­ tenant rebelle. Mais une autre tragédie va se dénouer en même temps. Le lieutenant, accusé par le colonel d’avoir collaboré à l’a r ­ ticle cause de tout le m al,a nié, pour forcer le colonel à le confronter avec le dénonciateur. Et lecolonel envoie chercher le capitaine Ernest, qu’il désigne ainsi pour l’auteur de la dénonciation. Le mariage d’Elisabeth est rompu, mais Joas ne veut pas qu’elie méprise ju s ­ qu’au souvenir de son ex-fiancé : et fait jurer aux assistants de ne jam ais lui révéler la honte dont Ernest s’est couvert. Je me suis étendu un peu longuement sur l’analyse de ce drame ; je l ’ai fait d’abord parce que j e le considère incontestablement comme l ’œuvre la plus belle qui ait été produite depuis longtemps en Hon­ grie, ensuite parce q u’ il est caractéristique d’un genre fort vaste, et d’ un état d’esprit très répandu. Parmi toutes les questions politiques et sociales qui ont coutume de diviser la Hongrie et l’A utriche, la question de l ’armée est la plus dramatique, la plus connue, et c’est celle-là que nous retrouvons le plus souvent transportée au théâtre, étudiée dans les romans. Depuis quelques années cependant, on l ’ a reléguée au second plan, pour des raisons qui ne sauraient nous inté­ resser ; on a mis en avant les difficultés d ’ordre économique, et l ’on