Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/53

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L’antagonisme anglo-allemand 3^9 sept milliards et plus, qui représentent annuellement les expé­ ditions de PEmpire germanique se réduisent toüt à coup de moitié, peut-être des deux tiers, — parce que les communica­ tions sont coupées par les océans, et aussi parce que toute la population masculine devra déserter l’ atelier pour l’armée. Et les dix milliards et plus que figurent, sur les comptes annuels, les entrées de matières premières et de produits manufacturés fléchiront à unè somme infime, puisque les grandes flottes de Hambourg et de Brème n’oseront plus affronter les mers, et que par ailleurs le fracas des armes se substituera au bruis­ sement des métiers et au tumulte des machines. Le seul inves­ tissement des côtes allemandes dérangera la marche normale des rapports mondiaux ; il la brisera net, comme la moindre détérioration d’ un rouage paralyse le fonctionnement d ’une montre. Mais l’ entrée en guerre de la Grande-Bretagne, quels que fussent les événements subséquents,exercerait encore une bien autre répercussion. On ne peut envisager sans un gigantesque effroi l’ arrêt même partiel des usines du Lancashire et des autres districts manufacturiers, où s’ accumulent les cotons, les laines, les soies de cent contrées diverses. La suppression totale des échanges anglo-allemands déterminerait à elle seule de prodigieux effets. Même si l’ on admet que l’Angleterre ne serait pas obligée, en cas de conflagration,de bouleverser inopi­ nément son régime militaire, et d’ arracher à la fabrique des cen­ taines de milliers d ’hommes, elle serait entraînée à restreindre sa production, ses acquisitions, ses dépenses de luxe, et la perte pour l’ensemble des nations se chiffrerait par des mil­ liards. Qu’ adviendrait-il alors,si l’Allemagne — ilfauttoutsup- pose r— réussissait à isoler le littoral britannique, à établir un blocus plus effectif et plus efficace que celui de Napoléon Ier, et à forcer le RoyaumeUni à subsister sur son propre fonds? Je sais bien qu’ une telle situation ne pourrait durer longtemps, car le Royaume Uni est à la merci des agricultures étrangères, et ce blocus le vouerait à la famine presque immédiate ; mais si courte que fût cette crise, elle suffirait à plonger dans une détresse mortelle les Danois et les Roumains, les Turcs et les Canadiens, les Australiens et encore des dizaines de millions d’hommes. Quelle qu’elle fût, aussi, l ’issue de cette crise serait désas­