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Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/74

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MBKCVRK DE FRANCE— i6-xi-iyu8 due par eux qu’il nous ont valu, par réaction, les adversaires anti-chrétiens de 89 (1). Pris de la sorte, les principes de 89 se trouvent singulière­ ment rétrécis : Lamartine estimait « l’idée de liberté et d’éga­ lité légale autant au-dessus de la pensée aristocratique ou féodale que le christianisme est au-dessus de l’esclavage an­ cien »; et cela veut dire que, riche propriétaire, le poète ad­ mettait, à la place des anciens baillis, un juge de paix éga­ lement dévoué aux châtelains du canton. Mais s’ agissait-il de porter ces principes à leurs conséquences logiques, d’avoir pour idéal la ruine des inégalités sociales et, sur leurs décombres, lelibre jeu des inégalités naturelles, alors, c’ étaient des « doctrines subversives », et il fallait « défendre les vérités sociales contre l ’ anarchie qui en abuse ». Ces vérités sociales étaient naturellement le christianisme, qui promet récompense à la patience, au courage des pauvres, mais seulement dans l’autre monde. Aussi était-il pressant de donner à l’Eglise toute liberté d’enseignement, et cependant de la séparer de l ’Etat voltairien de i 83o, parce qu’un autre système, « quand l’ Etat est sceptique, fait des incrédules ». Par d’autres idées, le poète 6e rapprochait de la gauche, notamment dans son projet de « représentation proportion­ nelle »; il va de soi que ce qu’il appelle ainsi, c’est non la représentation des minorités, mais l ’attribution à chaque élec­ teur d’ un nombre de voix mesuré à son importance sociale, ce que depuis on a nommé le « système plural ». Avant tout, ce dont Lamartine se défiait, c’était d’une prétendue décen­ tralisation, par laquelle on aurait supprimé le Parlement et ramené le royaume aux anciens pays d ’Etats. Tel est, comme on sait, l ’expédient à tout usage des absolutistes. Monsieur, depuis Louis XVIII, n’ ameuta l’Europe contre la France, et (1) L’un de ceux-ci, le professeur Nietzsche, fils réfractaire d’un ministre évan­ gélique, manière de génie très dédaigneux d’étudier l’histoire, qu’assurément il est plus aisé d’inventer, répète en cent passages que la Révolution est une conséquence hideuse de la Réforme* D’autres, non moins imaginatifs, ont écrit de gros volumes» établissant que le « poison romantique » découle de la Déclaration des droits de l’homme, ou, ce qui revient au même, que Jean-Jacques est responsable du Quatre- Août. Il est exact, en vérité, qu’il y a dans le romantisme un mélange de senti­ ments chrétiens et révolutionnaires. Mais ce qu’on n’a garde d’avouer, c ’est que la confusion a été faite par les hommes de i8i5. Dans l’œuvre de la Constituante, achevée et défendue par la Convention, rien de chrétien, pas plus que d’anti-chré- lien ; et du reste, ni Jésus, ni Rousseau, son prophète, n’avaient affaire dans cette liquidation colossale de la féodalité administrative et civile.