Page:Mercure de France, t. 76, n° 275, 1er décembre 1908.djvu/56

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que sa science et son industrie seront adoptées par l’univers entier. Quant aux idées philosophiques, l’Asie certainement lui en fournira d’excellentes ; mais je n’ai voulu étudier ici que la matière de l’art, non son esprit.

§

Ne sommes-nous pas maintenant en possession de quelques règles, qui nous permettront de déterminer au moins l’orientation générale d’une œuvre ? Est contraire au progrès, toute musique qui ne veut pas tenir compte de la sensation et ne considère que les notes, non les sons, toute musique aussi qui veut rester fidèle aux anciennes gammes majeure et mineure, qui périront, qui agonisent déjà, submergées de chromatisme ; toute musique enfin qui ne cherchera que des effets d’intensité, non de couleur.

Je dis qu’une telle musique regarde le passé, non l’avenir. Je ne dis pas qu’elle ne puisse être belle. L’imitation a produit des chefs-d’œuvre. Et il n’est même pas nécessaire, ni désirable, que l’art soit composé uniquement de chefs-d’œuvre. Il faut un art pour toutes les minutes de la vie ; il en est de sublimes, il en est aussi de familières, qui peuvent encore être ornées, sinon chantées et célébrées. La musique la plus haute est pareille à un temple ; mais une musique moins relevée peut assumer la beauté d’un salon élégant, voire d’une chambre molle et parfumée.

Si Peau-d’Âne m’était conté,
J’y prendrais un plaisir extrême.

Non, je ne dirai pas quelle musique me paraît, en de certains instants, préférable à de laborieuses élucubrations : je risquerais ainsi d’offenser à la fois la modestie excessive des bons compagnons qui la façonnent, et l’orgueil légitime de ceux qui cherchent à s’élever jusqu’aux cimes ardues.

LOUIS LALOY.