Mme Sableux, les jours de presse, ne dédaignait pas de se rendre utile. Ses doigts cherchaient à tâtons les paquets d’aiguilles et le cordonnet. On recevait aussi, de temps en temps, M. et Mme Colliard, un vieux ménage qui tenait, rue Adélaïde, un magasin de cannes et de parapluies. Leur fils venait là pour Marguerite. La jeune fille, à dix-sept ans, était bien jolie. Elle avait des joues fraîches, des sourcils légers et le gaz poudrait d’or ses cheveux châtains. Mme Sableux regardait M. Lecocq et ils souriaient parce qu’ils avaient tous deux la même pensée. Ils en parlaient même, aux mauvais jours, quand un seul parapluie les abritait jusqu’à la maison de la petite rentière.
— Tant mieux pour Annette, appréciait Mme Sableux. De cette façon elle gardera la mercerie. Ça lui vaudra mieux que de faire la classe.
— Hé-hé. L’enseignement est une belle carrière.
— Laissez-moi donc tranquille. Elle n’a jamais été faite pour cela.
Puis ils se taisaient, sachant bien qu’au fond les mots sont vains et qu’il faut laisser la parole à la destinée.
Un matin, entre dix et onze, la porte s’ouvrit et Mme Sableux entra. C’était en hiver. Le poêle chaud fondait aux vitrines les lis de la gelée. Mme Sableux défit lentement le châle vieux rose qu’elle enroulait habituellement autour de sa gorge.
— Tiens, dit Mme Fridaine, quel bon vent vous amène ?
Mme Sableux s’était assise. Ses jambes emprisonnaient un gros parapluie. Elle hocha son menton aigu :
— Un bon vent ! Ce n’est guère le mot qu’il faut dire. Je dois vous faire part d’une grave nouvelle.
— Une grave nouvelle !…
— Je la tiens de Michel, le neveu de l’entrepreneur de serrurerie. Vous connaissez le pâté Brochard ? Les six bicoques, au total, ne valent pas grand’chose… Eh bien ! le vieux a vendu… Cela s’est fait doucement, sans que personne y voie goutte…
— Et puis après ?
— Oh, je vous le donne en mille. Savez-vous ce qu’on va construire là ?
