MERCVRE
CEFKANCË–t6.xii.i0o8
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JULIEN TANGUY
DIT LE « PÈRE TANGUY»
Et exaltavit humiles.
(A/ayn;/?ca<.)
Je voudrais ressusciter une image très belle et très rare
celle d'un homme simple, dénué d'intérêts, au milieu d'une
corruption mercantile intense, et d'une bonté à faire couler
les larmes. Je l'ai connu dans la plus grande misère, je l'ai
vu rayonner de longues années dans cette misère, et j'ai su
éloigné de lui par le destin qu'il avait terminé sa vie
sans accuser le monde de ses souffrances, avec la sérénité
d'un saint laïque qui n'espère pas d'autre ciel que la paix éter-
nelle de son cœur.
Il est mort dans la petite boutique qu'il avait, rue Clauzel,
parmi les toiles des artistes qu'il fut le premier à discerner
d'entre la foule des peintres de son temps, laissant en tas le
grain des semailles futures, sans songer un instant que c'était
là un trésor qu'il ne monnayerait pas, satisfait de l'avoir
amassé pour la gloire.
Il était néà P!édran,dans le département des Côtes-du-Nord,
le vingt-huit du mois de juin 1825 et exerça jusqu'à 29 ans
la profession de piâ.trier, puis, étant venu se fixer à Saint-
Brieuc, il y avait épousé Renée-Julienne Briend, âgée de
34 ans et née à Hillion, dans le même département
elle
était charcutière et demeurait également dans le chef-lieu des
Côtes-du-Nord. Les témoins de leur mariage avaient été un
capitaine au cabotage, un cordonnier et un garde-champêtre.
Comme ;ceci le démontre, la mer et la terre avaient leurs
représentants à cette union.
Il faut croire que les nouveaux époux tentèrent de rester
dans leur province, car ils ne vinrent pas de suite à Paris. Que
firent-ils alors ? Essayèrent-ils de s'établir dans quelque petit
commerce, de continuer leurs respectives occupations ou
Page:Mercure de France, t. 76, n° 276, 16 décembre 1908.djvu/30
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