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Page:Mercure de France, t. 81, n° 296, 16 octobre 1909.djvu/69

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aussi celui qui ne veut être avantagé au détriment de personne.


2.

Nous avons en nous une force énorme de sentiments moraux, mais aucun but qui pourrait les satisfaire tous. Ces sentiments se contredisent les uns les autres : ils ont pour origine des tables de valeurs différentes.

Il y a une force morale prodigieuse, mais il n’y a plus de but, où toute la force pourrait être utilisée.


3.

Tous les buts sont détruits. Il faut que les hommes s’en assignent un. C’était une erreur de croire qu’ils en possèdent un : ils se les ont tous donnés. Mais les conditions premières pour tous les buts d’autrefois sont aujourd’hui détruites.

La science montre le cours à suivre, mais non pas le but : elle pose cependant les conditions premières auxquelles le nouveau but devra correspondre.


4.

La profonde stérilité du dix-neuvième siècle.

Je n’ai jamais rencontré d’homme qui eût vraiment apporté un nouvel idéal. C’est le caractère de la musique allemande qui m’a le plus longtemps induit à espérer. Un type plus fort, où nos forces seraient liées synthétiquement — ce fut là ma croyance.

À première vue tout est décadence. Il faut diriger la destruction de telle sorte qu’elle rende possible, aux plus forts, une nouvelle forme de l’existence.


5.

La dissolution de la morale conduit, dans ses conséquences pratiques, à l’individu atomique et aussi à la division de l’individu en multiplicités — fluctuation absolue.

C’est pourquoi, plus que jamais, un but est nécessaire et un amour, un nouvel amour.


6.

« Aussi longtemps que votre morale était suspendue au-dessus de ma tête, je respirais comme quelqu’un qui étouffe.