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Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/17

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MERCVRE DE FRANCE

d’être veuves ? Tu penses peut-être à des enfants ? Écoute ! je ne serai pas jalouse, si c’est pour avoir des entants que tu me trahis jamais ! Car je ne puis exister un peu que parmi les anges, et les anges sont hermaphrodites et stériles, et je sais que l’amour que j’inspire, n’a que faire des saintes conventions de la nature ! » Le vertige commençait à gagner le jeune homme. L’épouvante s’amalgamait avec l’inspiration : un sentiment plus violent que l’amour courait dans son sang. Le sein de TAndréide bondissait et l’énivrait de ses parfums connus mais subtilement transfigurés ; ses yeux à demi, clos le regardaient et il frissonnait dans la nuit « Écoute, il faut que je te dise ! N’est-ce pas, c’est ma virginité qüi te rend pâle ? Mais, continua-t-elle en souriant, elle est éternelle et tu garderas son reflet dans ton âme à travers l’illusion des années ! Songe que si tu m’acceptes pour esclave, tu ne vieilliras plus, pas plus que moi ! Tu disparaîtras en ma beauté sans mourir, ô mon amant ! D’abord, je ne veux pas que tu meures : tu n’en as plus le-droit, m’ayant écoutée ! Tu ne mourras pas, te dis-je, tu ne mourras pas, mais nous serons comme des Dieux, sachant le bien et le mal. »

« Quant à tous ces moyens employés extérieurement pour arriver à ce grand œuvre, quant à tous ces riens d’électricité, de phonographes d’or et de rayons de soleil, qu’importe, pourvu que le rêve se produise et que ce qui le produit ne se démente pas, comme une vivante ! Ainsi que l’a dit un écrivain français : « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! » Eh bien, l’Ivresse, ajouta Edison, en montrant le cercueil avec un sourire, la voilà ! sans même qu’il soit nécessaire de se donner la peine de boire. »


VILLIERS DE L’ISLE-ADAM.