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Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/23

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MERCVRE DE FRANCE

s’interrogeaient du regard, pensant découvrir parmi eux le saint prélat. Dans les lettres, M. Tailhade débuta Parnassien» C’est au Jardin des Rêves qu’il dut de goûter le miel premier des renommées glorieuses. Ce volume renfermé des choses fortes ou simplement gracieuses, où se trahit un culte appliqué de Banville. Je m’abstiens encore que quelque douceur m’y serait départie d’insister sur ce recueil, puisque l’auteur s’est mis en tête de le désavouer. II est constant que M. Tailhade a, depuis, évolué du tout au tout.

Dans Lutècey cette feuille impertinente et savoureuse, à côté du Maître Verlaine et de poètes succulents, tels que Griffînj Ajâlbert, de Régnier, Dumur, Tailhade contribua à précipiter le mouvement décadent. Il formait avec Vignier et Moréas ce qu’on était convenu d’appeler le trio de fins poètes/ Ces poètes se faisaient remarquer surtout par un ioin de la forme minutieux jusqu’à l’excès et par la notation dès sensations les plus fragiles. Lutèce morte; Tailhade poursuivit au Décadent (deuxième série) le cours de ses exploits avec plus de virtuosité que jamais. Là éclate dans toute sa splendeur, vers et prose, le magnifique, le radieux Tailhade. Et pourtant, ces choses splendides, le poète déclare n’y attacher d’autre importance que celle d’un menu tapotage au piano, soucieux, ajoute-t-il, de n’être point confondu avec les bardes irrémédiablement confits en Tris sotin.

A côté de poèmes catholiques fervents, il offre à l’admiration des poèmes d’un paganisme aigu. L’inconséquence est plus apparente que réelle, ces poèmes divers provenant tous d’un même fonds de sensualisme oriental qui est l’essence même de sa nature. Tailhade est surtout un plastique ; toute la nature physique, les fleurs, lesdia mants, les métaux rares, les étoilés, s’épanouissent dans ses vers abondamment. Sa religion est surtout décorative. L’imagination s’y échauffé plus que le cœur. Ce qu’il chante, c’est, avant tout, ta pompe extérieure du culte, c’est le flot d’encens à travers les vitraux orfèvres, le flamboiement des dalmatiques, la somptuosité des chapes ; c’est toute la féerie des vêpres où des mousselines, de la scie et des velours processionnent dans le bruit montant des orgues et le concert des voix éperdues ; ou bien c’est la langue des offices du soir :